Pour la première fois, deux policiers reconnaissent avoir participé à différents degrés à l’assassinat des militants des droits de l’homme congolais, Floribert Chebeya et Fidèle Bazana et pointent les responsabilités de tous les protagonistes.
En effet, le mardi 1er juin 2010 en fin de matinée, Hergil Ilunga wa Ilunga, simple adjudant de la police nationale de la République démocratique du Congo (RDC), reçoit deux appels qui vont changer sa vie. Le premier provient de son supérieur hiérarchique, le colonel Daniel Mukalay, inspecteur général à la direction des renseignements généraux et services spéciaux ; le second, du chef de l’opération du jour : le major Christian Ngoy Kenga Kenga.
Les policiers Hergile Ilunga et Alain Longwa révèlent que le jour de cet assassinat, ils s’étaient retrouvés « dans la cour de l’Inspection générale de la police à six avec le major Christian Ngoy qui est monté voir John Numbi, inspecteur de la Police ville de Kinshasa et Daniel Mukalay. Christian Ngoy est revenu et leur a expliqué que, sur ordre de la hiérarchie, ils avaient une mission à effectuer sans savoir de quoi il s’agissait.
« Chebeya s’est rendu dans les bâtiments du protocole où se trouvait le major Paul Mwilambwe qui était chargé d’accueillir les visiteurs. A 19 heures, on nous a demandé d’emmener dans mon véhicule le chauffeur de Chebeya, qui était toujours dans la cour de l’Inspection générale de la police. Dans ma voiture se trouvait le reste de l’équipe : Saddam et Jacques Mugabo. On a menotté Bazana pendant que moi j’étais au volant. Ensuite, on l’a étouffé avec un sac sur la tête et du scotch. On l’a tué dans mon véhicule », ont-ils révélé.
Selon Hergile Ilunga, d’autres policiers avaient pris Floribert Chebeya qui attendait toujours son rendez-vous avec John Numbi et l’ont amené dans un autre véhicule où se trouvait une équipe composée du lieutenant Bruno Soti, Doudou Ilunga et Jacques Mugabo
« Ils ont aussi étouffé Chebeya avec un sac sur sa tête et du scotch. Les deux véhicules sont partis et nous sommes allés dans la concession du général Jajija à Mitendi où une tombe était déjà creusée et nous avons enterré Fidèle Bazana ici », a-t-il révélé et avant d’ajouter que : « nous avons ensuite déposé Chebeya près du cimetière de Mbenseke ».
Après ces deux assassinats, Hergile Ilunga indique qu’ils ont été transférés en pleine nuit à Lubumbashi dans l’ex-Katanga où des officiers les ont accueillis et amenés à la ferme de John Numbi. Ils ont été, selon lui, séquestrés pour éviter qu’ils témoignent dans le procès. Heureusement, dit-il, ils ont réussi à s’enfuir et se retrouvent dans un pays de l’Afrique de l’Est.
Pour rappel, depuis l’arrivée au pouvoir du président Félix Tshisekedi, ces officiers jadis intouchables ont connu quelques déboires. En juillet 2020, le général John Numbi a été écarté de tout poste de commandement, lui qui n’a pourtant jamais été inquiété par la justice. Sans affectation, il vit désormais quasi-reclus dans sa ferme du Haut-Katanga. Le major Christian Ngoy Kenga Kenga a, lui, été arrêté quelques semaines plus tard dans un restaurant de Lubumbashi pour port d’armes illégal et transféré le 3 septembre 2020 à Kinshasa, la capitale. Considéré en fuite depuis plus de dix ans, il avait été condamné par contumace pour l’assassinat de M. Chebeya. Ainsi donc, la réouverture du procès chebeya s’avère une nécessité.
Joël Imbole
Cliquez sur l'icône pour recevoir des notifications.
Discussion à ce sujet